Prendre une décision peut être un casse-tête qu’on doit affronter souvent dans notre vie personnelle et professionnelle ; les progrès scientifiques en psychologie et en neurosciences démontrent que les êtres humains ne sont pas très doués pour prendre de bonnes décisions…

Par Nizar Belhilat

En effet, notre faible capacité à prendre des “bonnes” décisions, résulte du fait que nous sommes en proie à de multiples biais cognitifs qui induisent souvent nos jugements en erreur.

Le prix Nobel de l’économie de 2002, Daniel Kahneman (avec son acolyte Amos Tversky) va schématiser le fonctionnement de notre cerveau par deux systèmes : un système 1 qui est rapide, automatique, mais, émotionnel et stéréotypé et un système 2 qui est logique, calculateur mais paresseux et lent. On a tendance à penser que le processus de prise de décision implique exclusivement le système 2… Cependant l’analyse du cerveau humain via l’imagerie par résonance magnétique (IRM) a montré l’activation des zones du système 1 durant le processus de prise de décision. Cette même analyse a démontré que la différence entre une bonne et une mauvaise décision réside dans le degré de contrôle appliqué par le système 2 sur le système 1.

La mauvaise nouvelle…

Le cerveau est « câblé » pour favoriser une prise de décision rapide mais pas nécessairement optimale : notre cerveau nous joue des mauvais tours sans même qu’on soit conscient de cette manipulation. Le cerveau utilise un mécanisme d’association des informations qui viennent le plus facilement à notre mémoire pour se convaincre de la véracité d’une décision, ce qui est dans la plupart des cas, réducteur de la complexité des décisions qu’on doit prendre ; là ou une logique basée sur les statistiques serait plus efficace mais elle nécessitera un lourd investissement du fainéant système 2 ; par exemple si je vous demande si vous êtes une bonne personne, vous allez vous rappeler les 2 ou 3 bonnes actions qui vont venir facilement à votre esprit et conclure que vous êtes une bonne personne…essayez donc de vous rappeler les 10 ou 15 bonnes actions que vous avez accompli dernièrement (ce qui est plus signifiant statistiquement), pas aussi simple que ça pour la vilaine personne que vous êtes ?

Parmi les biais cognitifs mis en évidence par les psychologues on peut citer :

  • L’amorçage : Effet temporaire de la mémoire qui influence la réponse à un stimulus suite à l’exposition à un autre stimulus. Par exemple, si vous regardez un film sur une épopée narrant les exploits d’un héros, cela vous poussera à agir d’une manière courageuse si l’occasion se présente !
  • Substitution : Dans les situations complexes, le cerveau substitue la décision à prendre par une autre plus simple. Par exemple, substituer la question « qu’est-ce que je pense de cette personne ? » par « est-ce que j’apprécie chez cette personne ? »
  • Effet Halo : La recherche de la confirmation d’une première impression sur des gens ou des marques en réalisant une interprétation et une perception sélective des informations. Par exemple, voter pour un politicien parce qu’il est un bon orateur !
  • Effet de cadrage (très utilisé dans les médias): le changement de réaction vis-à-vis d’une situation, suivant la manière dont elle est formulé. Par exemple, Quelle maladie est la plus mortelle, celle qui tue 1644 personnes sur 10000 ou celle qui tue 23.12 sur 100 ?
  • « What you see is all there is » Se concentrer sur les informations disponibles pour prendre une décision, sans considérer d’autres données manquantes. Par exemple, les joueurs de loterie considèrent LE GAGANT du jackpot (qui est par l’occasion super médiatisé) mais ne pensent pas aux milliers de joueurs qui ont perdu !
  • Biais de disponibilité : c’est un biais qui se base sur le fait que si une information peut être rappelée facilement dans un contexte, c’est qu’il s’agit d’un élément important pour évaluer une situation, par exemple, pourquoi devrais-je arrêter de fumer ? je connais une personne qui a 82 ans, qui continue de fumer et qui est toujours vivant.

Mais, bonne nouvelle !

Il existe des conseils qui permettent d’améliorer le processus de prise de décision et de se protéger contre les déviations de jugement. Cependant il est plus facile de voir ces déviations auprès d’autres personnes que de les voir chez nous :

  • Externaliser le processus de prise de décision : liste des « pour » et des « contre », les checklists… peuvent être des outils simples et efficaces.
  • Accepter les mauvaises décisions et ne pas chercher à les justifier comme étant bonnes, cela permet de limiter les «sunk cost*»
  • Evaluer objectivement les situations de perte ou de gain sans oublier que nous sommes plus enclin à éviter une perte que de chercher un gain (un coût n’est pas toujours une perte)
  • Prendre en considération le facteur « chance », afficher une confiance aveugle ne permet pas une corrélation avec l’exactitude des faits.
  • Premortem : exercice de groupe qui permet de se projeter dans le futur dans le cadre d’un scénario pessimiste et d’analyser les causes pour l’éviter (par exemple, supposons que le projet A est un échec, quels sont les facteurs qui ont contribué à cet échec?)
  • Dans un groupe, la décorrelation de la prise de décision et le consensus au profit d’une évaluation personnelle dans un premier temps, puis d’une discussion dans un second temps permet d’éliminer la peur de contrarier « la majorité » et donc d’agir comme « un troupeau de moutons »

* : en économie, couts engagés suite à une décision et qui ne peuvent pas être récupérés

Pour aller plus loin

Livre :

  • « Thinking, Fast and Slow » Daniel Kahneman
  • « Nudge: Improving Decisions About Health, Wealth, and Happiness » Richard H. Thaler
  • « The black Swan: The Impact of the Highly Improbable » Nassim Nicholas Taleb
  • « The Checklist Manifesto: How to Get Things Right » Atul Gawande

Documentaire :

  • Spécimen: Comment prendre une bonne décision?

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