L’incertitude, maître de la gestion de projet

Faut-il chérir l’incertitude pour faire carrière dans la gestion de projet ?

Analyse de l’article “Uncertainty as opportunity: the challenge of project based careers”

incertitude maître de la gestion de projet

Note de lecture par Antoine Henry – chercheur au sein du cabinet Daylight consulting

La gestion de projet est de plus en plus importante dans les organisations, en lien avec les organisations projets (project-based organisation) et le mode projet. L’article de Lloyd-Walker, Crawford et French Uncertainty as opportunity: the challenge of project based careers publié dans l’International Journal of Managing Projects in Business en 2018 : https://doi.org/10.1108/IJMPB-04-2017-0044.

Incertitude, maître de la gestion de projet : résumé de l’article

Par définition un projet ou un programme se déroule dans un contexte d’incertitude. Incertitude, maître de la gestion de projet ? Elle se retrouve pour autant de facto dans les carrières en gestion de projet selon les auteurs. Dans leur revue de littérature, Lloyd-Walker et ses co-auteurs rappellent la dimension temporaire du projet par rapport aux activités courantes de l’organisation. Ainsi, en démarrant un projet, celui-ci n’existe, dans un premier temps, que dans l’imaginaire de ses créateurs et promoteurs. Des étapes seront nécessaires pour assurer sa réalisation (le faire passer d’un futur envisagé au présent connu selon les auteurs). Les protagonistes du projet (en particulier le chef de projet) sont dans un rôle où leur situation dans l’organisation n’est plus liée spécifiquement à leur position hiérarchique, leur poste ou leur niveau de rémunération, mais par le type et la nature des projets assignés.

Cette distinction se retrouve de même dans les attentes, où les parcours « classiques » sont associés à une attente de continuité dans les missions et les postes, une hausse de la complexité croissante en fonction des missions. Au contraire, pour les acteurs projet, l’incertitude et la discontinuité des missions sont une attente forte.

Ils rapprochent alors ce mouvement à l’horizontalisation croissante des organisations, tendance favorisant une gestion de carrière plus flexible et adaptable. Ceux qui poursuivent une carrière sans frontières embrassent l’incertitude par leur volonté de se déplacer au sein d’une organisation, d’un secteur ou d’une industrie et d’en changer l’emplacement géographique, afin d’atteindre leurs objectifs professionnels.

D’après leurs recherches, la gestion de projet, dans ses prémisses, a été qualifiée de « profession accidentelle » par des auteurs (Darrell et al., 2010 ; Hodgson et al. 2011). En effet, de plus en plus, les gens se retrouvent de façon inattendue en train d’effectuer des travaux dans le cadre de projets ayant entrepris des études ou une formation dans des disciplines autres que l’ingénierie, l’architecture ou la gestion de construction dont les gestionnaires de projets sont traditionnellement issus. Actuellement, les gestionnaires de projets peuvent avoir étudié l’économie ou la comptabilité, dans des domaines liés à la santé, aux arts du spectacle ou aux affaires (Paton et al., 2010). Jusqu’à présent, la gestion de projet n’a pas été un choix de carrière initial, bien qu’on puisse s’attendre à ce que cela change au cours des prochaines années. Aujourd’hui, de nombreux gestionnaires de projet peuvent être confrontés à une plus grande incertitude qu’ils ne l’avaient prévu au moment de faire leur premier choix d’étude.

Pour analyser les parcours des personnes travaillant dans la gestion de projet, ils ont étudié 74 parcours professionnels au prisme de la théorie sociale cognitive de carrière (TCCC ou Social cognitive career theory)[1]. Les TCCC mettent l’accent sur les variables cognitives, y compris l’efficacité personnelle, les attentes, les objectifs de résultats et leur interaction avec d’autres facteurs personnels ou contextuels (ex. : éducation, expérience d’apprentissage, situation financière et sociale) qui peuvent constituer des obstacles ou donner l’occasion de faire des choix professionnels et de progresser.

Carrière chef de projet

La figure n°1 modélise les choix de carrière et de progression professionnelles basées sur ce courant de pensée :

Que faut-il en penser ? résultats de l’article

Leur papier suggère des caractéristiques partagées par les individus s’étant orientés dans le domaine de la gestion de projet et plus particulièrement :

    • Un sens aigu de l’efficacité personnelle et une capacité importante de résilience sont alors une condition nécessaire pour faire face à l’incertitude inhérente à la nature des projets ;
    • Une perception de défis et d’opportunités liée à l’incertitude entourant les projets est aussi importante. La décision d’opter pour un emploi temporaire, contractuel ou permanent par opposition à un emploi permanent est considérée comme étant basée sur l’appétit pour le risque influencé par les circonstances personnelles à un moment donné et d’un compromis entre sécurité et souplesse, dans certains cas associés à la satisfaction professionnelle.

La majeure partie des enquêtes met en avant comme facteurs moteurs de leur travail : la variété, les défis et les possibilités d’apprentissage du travail par projet. Bien que certains préfèrent la sécurité perçue de l’emploi permanent, ils sont toujours à la recherche de défis et de possibilités d’apprentissage. Ceux qui recherchent activement des engagements temporaires ou contractuels apprécient alors la liberté, la flexibilité et l’apprentissage offert par ces emplois. Dans l’article, ils démontrent alors que les gestionnaires de projet considèrent les carrières axées sur des projets comme étant « sans frontières », ce qui permet de passer d’un projet à l’autre et d’une industrie à l’autre. Ils jouent alors un rôle dans le cadre de projets qui semblent également avoir une perspective protéiforme de leur carrière, se considérant comme « maîtres de leur propre destin », responsables de la définition de leurs propres possibilités et orientations de carrière.

Bibliographie complémentaire :

Amundson, N. (2006). Challenges for Career Interventions in Changing Contexts. International Journal for Educational and Vocational Guidance, 6(1), 3–14. https://doi.org/10.1007/s10775-006-0002-4

Darrell, V., Baccarini, D., & Love, P. E. D. (2010). Demystifying the Folklore of the Accidental Project Manager in the Public Sector. Project Management Journal, 41(5), 56–63. https://doi.org/10.1002/pmj.20164

Hölzle, K. (2010). Designing and implementing a career path for project managers. International Journal of Project Management, 28(8), 779–786. https://doi.org/10.1016/j.ijproman.2010.05.004

Liikamaa, K. (2015). Developing a Project Manager’s Competencies: A Collective View of the Most Important Competencies. Procedia Manufacturing, 3, 681–687. https://doi.org/10.1016/j.promfg.2015.07.305

Loufrani-Fedida, S., & Missonier, S. (2015). The project manager cannot be a hero anymore! Understanding critical competencies in project-based organizations from a multilevel approach. International Journal of Project Management, 33(6), 1220–1235. https://doi.org/10.1016/j.ijproman.2015.02.010

[1] Ce site dédié aux travaux sur l’axe de recherche dédié aux carrières professionnelles propose une introduction à la thématique : http://career.iresearchnet.com/career-development/social-cognitive-career-theory/

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